Alain BERNARD

 

92, Bd Richard Lenoir, PARIS 11ème

alainguy.bernard@wanadoo.fr

 

Etudes et Situation :

Ancien élève de l’école normale supérieure de la rue d’Ulm, de l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales et de l’université de Strasbourg, actuellement professeur agrégé de mathématiques au lycée Guillaume Apollinaire (94 Thiais) et chercheur indépendant en histoire des mathématiques.

 

Centres d’intérêt, domaine de recherche :

Histoire et philosophie des mathématiques, particulièrement l’histoire des rapports entre mathématiques et rhétorique dans l’antiquité Grecque.

 

Travaux :

· Thèse de 3ème cycle soutenue en jan 97 à l’université de Strasbourg sous le titre Temps et mathématique ; interprétation du caractère mathématique de la quadratrice d'Hippias d'Élis dans le cadre de la sophistique ancienne.

· « Sophistic aspects of Pappus’ Collection », accepté par Alexander Jones pour publication dans Archive for the History of Exact Sciences.

· « Le sens de l’histoire et la question de l’Origine de la Géométrie chez Husserl », Actes de la 7ème Université d’été interdisciplinaire sur l’histoire des mathématiques, IREM, Nantes, 12-17 juillet 97, pp.315-330.

· « L'ambiguïté révélatrice de la courbe quadratrice d'Hippias d'Elis », ibid., pp.71-94.

· « La fonction mathématique du rire », in Le Rire des Grecs, Anthropologie du rire en Grèce ancienne, sous la direction de Marie-Laurence DESCLOS, éd. Jérôme Millon, Grenoble, 2000, pp.241-252.

· « Sophistique et mathématique dans le monde Grec sous domination romaine », à paraître in Actes du 13ème colloque inter-IREM, Rennes, 6-8 mai 2000.

· article en préparation : « Ancient rhetoric and Greek mathematics : a response to a modern historiographical dilemma. », en préparation pour Science in Context.

· également en préparation, une étude sur le style d’Eutocius d’Ascalon et ses rapports avec la rhétorique ancienne (première présentation prévue à l’été 2002)

 

Participations à des colloques récents :

mai 2000, 13ème colloque inter-IREM sur “Les mathématiques et la longue durée” (Rennes).

· Titre : Sophistique et mathématique dans le monde Grec sous domination romaine.

août 2000, 5ème conférence internationale sur les mathématiques anciennes, Delphes, Grèce.

     · Titre : Sophistic aspects of Pappus’ Collection.

mai 2001, Colloque international History of mathematics in the last 25 years : new departures, new questions, new ideas, Tel-Aviv et Jérusalem, Israël (Leo CORRY et Sabetai UNGURU) :

     · Titre : Analysis and Sophistics in Pappus' Collectio Mathematica.

mai 2001, Colloque de la SFHST à Lille : participation à l’atelier organisé par Evelyne BARBIN et Eric BRIAN sur les problèmes liés à l’interprétation des textes de mathématiques :

     · Titre : La place de l’historien dans l’historiographie moderne des mathématiques.

juil 2001, 21ème congrès international d’histoire des sciences à Mexico :

     · Titre : The sophistic aspects of Pappus’s mathematical Collection.

nov 2001, Journée « mathématiques et rhétorique », centre Koyré (Giovanna CIFOLETTI)

     · Titre prévu : Ancient rhetoric and Greek mathematics or how studying the ancient tradition of rhetoric could solve some dilemmas of the modern history of mathematics.

 

 

Résumé des recherches en cours et futures:

 

1. Le travail initial sur Pappus.

 

Mon travail de thèse[i] portait entre autres sur les rapports entre sophistique et mathématique en Grèce ancienne, et ceci afin d’apporter un élément nouveau dans un vieux débat entre historiens des mathématiques sur la question de savoir si l’on doit ou non attribuer la courbe dite quadratrice au sophiste Hippias d’Elis[ii].

Par la suite j’ai été conduit à m’intéresser de plus près à l’organisation de la Collection mathématique de Pappus d’Alexandrie (début du IVème siècle ap. JC), par lequel nous connaissons cette courbe. Ce texte, dont le contenu est bien souvent une reprise commentée des grandes synthèses classiques qui vont d’Euclide à Ptolémée, possède le rare intérêt d’évoquer longuement et explicitement la méthode d’analyse des anciens, et avec elle leur heuristique ou manière de trouver des solutions à des problèmes.[iii]

Ces trois notions, celle d’analyse, d’invention (heuresis) et de problème sont étroitement liées entre elles dans le cadre des mathématiques anciennes. Si la première, celle d’analyse, ne se rencontre guère que dans les contextes philosophique et mathématique, les deux suivantes sont des notions centrales dans la rhétorique ancienne. L’essentiel de ma recherche d’il y a trois ans a consisté à montrer, à partir d’une comparaison entre le texte de Pappus et certains textes nous décrivant la sophistique ancienne, que cette communauté de notions n’est pas fortuite, mais renvoie à des rapports profonds entre la pratique des mathématiques et celle de la rhétorique dans l’antiquité tardive.

Mon questionnement était au départ plus général. On sait que le texte de la Collection a été pour un grand nombre de mathématiciens modernes (de la fin du XVIè siècle au XIXè siècle) une source d’inspiration très féconde. Cela en fait du même coup un objet complexe pour l’historiographie moderne, car il a fait l’objet d’un grand nombre de relectures et a influencé du même coup aussi bien les mathématiques que l’historiographie modernes. Par ailleurs cette « fécondité en relectures » ne semble pas tout à fait fortuite, car le texte possède en lui-même une certaine suggestivité qui invite à l’approfondissement de certains problèmes.[iv] Ma question était donc : comment décrire et comprendre cette suggestivité de la Collection qui en fait un texte original dans l’ensemble de la littérature mathématique antique ? Y a-t-il des raisons structurelles à cela ? Et quel est le rapport avec la notion même de problème, sur laquelle Pappus lui-même insiste à plusieurs reprises dans son texte ?

Pour répondre à ces questions, j’ai alors été conduit à m’intéresser de près au début du livre III de la Collection, où Pappus définit à son lecteur la notion de problème par opposition à celle de théorème. Un problème, en grec, c’est un projet : on projette (verbe proballein) un projet (problêma). Cette projection de quelque chose à construire, Pappus l’oppose à la surveillance du regard qu’évoque entre autres le terme de théorème (théoreîn = voir en grec). Autrement dit le problème peut ne pas être anticipé par le regard. C’est à nous ensuite de conduire à son sujet et après coup une analyse pour savoir si on peut anticiper quand même sur sa résolution. Le problème, ou projet, est donc le support et la condition de toute analyse possible.

            D’où vient cette notion de problème comprise comme une projection ? Cette notion constitue plutôt une difficulté pour la philosophie du savoir, puisque la « proposition » de construction précède toute anticipation démonstrative.[v] Aussi la piste philosophique n’est-elle pas nécessairement la meilleure à suivre pour éclaircir cette notion de problème, le philosophe n’étant jamais qu’embarrassé par elle. Une piste plus féconde s’ouvre à nous lorsqu’on s’intéresse, comme je l’ai fait, au terme de problème dans le cadre de la sophistique ancienne, et particulièrement de la seconde sophistique[vi].Un problème, dans ce contexte, est un thème de déclamation lancé par le spectateur d’un sophiste (qu’il soit élève ou concurrent de ce dernier, ou les deux) pour qu’il en traite, pour les meilleurs d’entre eux en improvisant. Autrement dit le sujet de la déclamation sophistique est lancé ou “projeté” par le spectateur, et s’il y a plusieurs propositions on vote pour décider lequel le sophiste doit traiter. A ce titre le thème de déclamation est appelé problème ; on l’appelle encore hypothèse relativement au fait qu’il est le sujet de la déclamation (c’est-à-dire son thème sous-jacent).

            Or si l’on examine ce à quoi le préambule du livre III de la Collection introduit, on voit qu’il s’agit de la critique d’une construction proposée par l’élève d’un professeur concurrent de Pappus, et on s’aperçoit que la situation dans laquelle cette proposition est faite correspond assez bien à la situation sophistique évoquée ci-dessus. En effet, on s’aperçoit d’abord que les circonstances dans lesquelles on demande à Pappus d’examiner la construction qu’on lui propose correspondent bien au contexte agonistique d’une « déclamation » sophistique. Ensuite, la structure de la réponse que fait Pappus possède un certain nombre des caractéristiques de la déclamation sophistique telle qu’elle était pratiquée à l’époque. En particulier la « déclamation » de Pappus, qui est constituée par la longue critique qu’il développe au sujet de la construction qu’on lui a proposée, vise moins à réfuter démonstrativement cette dernière qu’à initier le lecteur à la méthode d’analyse en l’appliquant au problème proposé à Pappus.

En d’autres termes on pourrait dire que Pappus a en quelque sorte “adapté” pour son propre compte les méthodes de « l’enseignement supérieur » de son époque. Mais du même coup le lien étroit qui lie la notion d’analyse à celle de problème s’éclaire d’un jour nouveau, celui d’une méthode d’enseignement développée par ces professionnels de l’enseignement en Grèce antique que sont les Sophistes. A la question philosophique de déterminer les “principes” philosophiques d’une recherche mathématique, on peut du même coup substituer la description d’un procédé sophistique.

L’enjeu d’une telle comparaison est alors de bien comprendre, dans un premier temps, ce qu’était la pratique rhétorico-sophistique et ce qui s’y rapporte (l’invention, le jugement, l’exercice de la déclamation et ce qui y prépare) pour en tirer ensuite des moyens d’éclairer ce qu’était, pour les mathématiciens grecs, la pratique de l’analyse et plus généralement de la recherche à partir de problèmes. Ma recherche rejoint ici des préoccupations importantes de l’historiographie contemporaine sur la dimension pratique des mathématiques grecques.[vii]

 

2.         Recherches actuelles et perspectives.

 

            Le travail sur Pappus évoqué ci-dessus a donné lieu à un article accepté dans la revue Archive for History of Exact Sciences. J’ai exposé son contenu lors du congrès sur l’histoire des mathématiques anciennes de Delphes (été 2000), puis en mai 2001 à Tel-Aviv lors du congrès organisé par Sabetai Unguru et Leo Corry sur les nouvelles tendances en histoire des mathématiques depuis les 25 dernières années.

            On voit que ce travail débouche sur un problème simple : quels sont les rapports entre la sophistique, ou plus généralement l’enseignement de la rhétorique, en Grèce ancienne, et les mathématiques ? Le travail sur Pappus a permis de montrer dans un cas précis que ces rapports existent, et qu’on peut en tirer un éclairage original sur différentes notions essentiellement liées aux aspects heuristiques et analytiques de la pratique ancienne des mathématiques. L’exemple de la notion de problème, qui est à l’évidence une notion commune à la rhétorique et aux mathématiques, n’est qu’un cas parmi d’autres mots qui chacun renvoient à des pratiques partagées. Mon programme de recherche, dans sa forme la plus générale, est donc d’explorer plus à fond les rapports que j’ai commencé à mettre en évidence, par une étude conjointe des mots employés et des pratiques qui y sont attachées.

 

            Plus précisément, je travaille actuellement sur une analyse d’un passage célèbre d’Eutocius où ce dernier énumère les différentes solutions trouvées par les Anciens au problème délien[viii]. La chose intéressante est qu’Eutocius ne donne nullement les onze solutions qu’il présente dans un ordre chronologique, mais dans un ordre que j’appelle heuristique : ce qui l’intéresse dans ces différentes solutions est le fait qu’elles manifestent l’inventivité (ennoia) des anciens. La façon même dont il présente les solutions est orientée par le souci de montrer cette inventivité « en action ». Un tel centre d’intérêt est cohérent, comme dans le cas de Pappus, avec le contexte de la rhétorique ancienne dans lequel le problème de l’invention, et des qualités oratoires afférentes, tient une place centrale.

            Ce travail complète donc celui qui a été entrepris sur Pappus, puisqu’il en généralise la thèse essentielle sur un nouveau cas. Je compte poursuivre par la suite ce travail de généralisation en m’attaquant d’une part à la littérature médicale, et d’autre part à la littérature rhétorique de l’antiquité tardive. Certains passages de Galien manifestent en effet clairement l’influence qu’avaient les pratiques sophistiques sur la pratique médicale de l’époque, et l’étude de ces passages devrait permettre de mieux mesurer le degré auquel ces pratiques étaient partagées par différents champs de savoir. L’étude approfondie de la littérature rhétorique devrait quant à elle permettre de se faire une idée plus précise des pratiques rhétoriques de cette époque, et de distinguer en particulier ce niveau de pratique de la version canonique qu’en donnent les textes de Cicéron et de Quintillien et qui domine généralement l’historiographie sur ce sujet.

            Le travail sur Eutocius, comme ceux que je compte y ajouter par la suite, s’inscrivent tous dans la ligne des recherches inaugurées ces dernières années sur l’antiquité tardive par des historiens comme Serafina Cuomo, Reviel Netz, Karine Chemla, Wilbur Knorr, Micheline Decorps-Foulquier, et qui toutes ont en commun qu’elles tentent de dégager la spécificité des pratiques éditoriales et mathématiques de l’antiquité tardive en les replaçant dans leur contexte. Il est également naturellement lié aux recherches analogues conduites par Giovanna Cifoletti sur les mathématiques à la Renaissance, non seulement parce que la relation entre rhétorique et mathématiques y est en jeu, mais encore parce que les humanistes ont été dans l’Europe moderne les premiers éditeurs et lecteurs des travaux de l’Antiquité.[ix]

 

            Parallèlement et à la suite du colloque de Tel-Aviv, j’ai commencé à travailler à un article sur la notion de problème, et plus spécifiquement sur le fait que la référence qui sert habituellement aux historiens pour analyser cette notion est le texte des Topiques d’Aristote. Or puisque je montre qu’il est possible d’explorer par cette notion et la pratique qui s’y rattache par une voie alternative, savoir la comparaison avec les pratiques sophistiques, il convient de remettre en question la validité de cette référence systématique aux Topiques qui est devenue avec le temps un « réflexe historiographique ».

            Cette étude touche à un problème plus général auquel je compte là encore m’intéresser au delà de l’étude sur les Topiques: celui de l’utilisation de la littérature philosophique pour éclairer les traditions scientifiques. Parce que les fondateurs de la « grande » tradition philosophique grecque antique, Platon et Aristote, se sont intéressés à la science de leur temps, l’historiographie classique en déduit bien souvent, réciproquement, que le développement scientifique dans le monde Grec antique peut être éclairé par celui de la philosophie. Cette « réciproque » est évidemment critiquable, et a été critiquée ces dernières années par les historiens de cette période. Si l’intérêt philosophique pour la science indique bien quelque chose sur la pratique de cette dernière, ça n’est que médiatement et non pas directement en tant que « motif explicatif » ou que « motivation », « empêchement », etc. Il faut ici participer à l’élaboration d’une critique de la littérature philosophique à l’usage de l’historiographie moderne. Cette prudence historiographique concerne évidemment Platon et Aristote au premier chef, mais aussi des auteurs aussi importants que Proclus de Lycie, chez qui l’analyse historique et philosophique sont indissociables. On pourrait en dire de même des cas de Plutarque ou de Galien, chez lesquels les intérêts pour la science, la philosophie et la rhétorique forment un mélange complexe que l’historien doit utiliser avec précaution. Ces différents auteurs (à commencer par Proclus) feront donc l’objet de mes recherches qui feront suite à l’étude sur les Topiques.

 

            A plus long terme enfin, j’envisage une enquête plus générale pour délimiter précisément l’étendue des rapports entre mathématiques et rhétorique dans l’antiquité. C’est une enquête à deux niveaux, qui sont l’antiquité tardive, puis l’antiquité classique. En effet c’est d’abord sur l’antiquité tardive que nous possédons les témoignages les plus sûrs et les plus fournis sur les pratiques indiquées. Un examen conjoint des traités de rhétorique, de la littérature médicale, philosophique et de la littérature mathématique s’impose pour dégager les lignes générales qui permettent d’expliquer la forme que des auteurs comme Pappus ou Eutocius ont pu donner à leurs traités. Toutes les recherches évoquées ci-dessus sont des parties de cet examen, et c’est à elles que je compte me consacrer dans le cadre de mon détachement.

            Mais ce dernier en entraîne logiquement un autre : celui des mêmes rapports à l’époque des premiers mathématiciens grecs. En effet, d’une part les méthodes rhétorico-sophistiques ne datent pas de l’antiquité tardive, mais ont été élaborées et développées pour l’essentiel lors de la période classique[x]. D’autre part, les méthodes analytique et heuristique datent elles aussi de cette période et des débuts de l’ère hellénistique. Cette coïncidence chronologique est elle fortuite, ou bien faut-il là encore mettre en évidence des rapports historiques plus profonds et touchant au niveau des pratiques ? Tel sera probablement la question liminaire à ces recherches ‘sur le long terme’.

 

 



[i] Soutenu en janvier 97 à l’université de Strasbourg, sous le titre Temps et mathématique, interprétation du caractère mathématique de la quadratrice d'Hippias d'Élis dans le cadre de la sophistique ancienne.

[ii] Pappus d’Alexandrie est en effet le seul à en parler en détails dans les documents dont nous disposons, et ne parle que de son utilisation par Dinostrate, un élève d’Eudoxe de Cnide, pour la quadrature du cercle. Quant à Proclus de Lycie, il ne parle que des quadratrices d’Hippias, et il n’est pas sûr que cet Hippias soit bien le sophiste d’Elis.

[iii] Au contraire la grande majorité des textes classiques de mathématiques grecques sont ordonnés synthétiquement, c’est-à-dire dans un ordre logique et sans égard à la façon dont on a été conduit à cette synthèse.

[iv] Un bon exemple est celui de la courbe quadratrice, décrite dans le livre IV de la Collection en rapport avec le problème de la quadrature du cercle. Cette courbe n’a pas été rejetée par Pappus de manière univoque, comme certains résumés historiques, trop vite inspirés par le Descartes de la Géométrie, le laissent entendre. Si elle est bien critiquée pour la façon « trop mécanique » dont elle engendrée (par un double mouvement), Pappus la décrit plus loin d’une manière géométrique par une analyse qui la fait apparaître comme la projection d’une intersection de deux surfaces dans l’espace. Plus loin encore la quadratrice est utilisée à titre de postulat dans la résolution de certains problèmes linéaires. Bref, la présentation que Pappus fait de la courbe est essentiellement plurivoque, c’est-à-dire que sa façon de faire tolère la pluralité des points de vue sur un même objet. On peut rejeter la courbe quadratrice d’un certain point de vue, mais l’accepter d’un autre : Pappus livre l’ensemble de ces options possibles. Du même coup, on peut comprendre que la distinction mécanique/géométrique qu’il emploie à son sujet ait tant excité la curiosité des mathématiciens modernes : cela provient de la manière même dont la courbe nous est présentée. C’est cette manière de présenter les choses que j’appelle volontiers la structure suggestive de la Collection.

[v] On peut suivre de telles difficultés chez Proclus de Lycie, auteur un siècle et demi après Pappus d’un commentaire philosophique et historique célèbre sur le premier livre des Eléments d’Euclide.

[vi] On désigne par là le renouveau de la sophistique qui a eu lieu dans le monde grec sous domination romaine à partir du Ier siècle de notre ère, et qui a contribué à fonder le système d’éducation dominant dans ce même monde jusqu’à la fin de l’empire païen et au delà. Voir là-dessus les travaus de Bowersock, Marrou, Brown.

[vii] Cf. le “nouveau point de vue” proposé par Michael Mahoney sur l’analyse des Anciens, et plus récemment les travaux de Wilbur Knorr et de Reviel Netz.

[viii] Ce problème est celui de la duplication du cube (trouver l’arête d’un cube double d’un cube donné), équivalent à l’insertion de deux moyennes proportionnelles en proportion continue entre deux droites données A et B (les moyennes recherchées C et D sont telles que A soit à C comme C est à D et D est à B). Le passage en question est situé dans le commentaire d’Eutocius sur le traité De la sphère et du cylindre d’Archimède.

[ix] Le travail sur Eutocius est d’ailleurs parti de l’étude d’un texte de Guillaume Gosselin sur la duplication du cube.

[x] D’après H.I. Marrou on doit considérer Isocrate (4è siècle av JC) comme le grand fondateur de la tradition rhétorique classique. Isocrate lui-même hérite de la première tradition sophistique via Gorgias de Léontium en particulier.